L’intelligence artificielle : sommes-nous dans une bulle?

Une ascension fulgurante

Depuis le lancement de ChatGPT à la fin de 2022, les valeurs liées à l’intelligence artificielle connaissent une croissance vertigineuse. Nvidia, chef de file des processeurs nécessaires à l’IA générative, a vu sa capitalisation dépasser les 3 000 milliards de dollars US en 2024, se hissant parmi les trois plus grandes entreprises au monde.

Les investisseurs voient dans cette technologie une révolution comparable à l’essor d’Internet dans les années 2000. Chaque entreprise veut démontrer qu’elle intègre l’IA dans son modèle d’affaires et le marché récompense ce simple mot-clé.

Les signes avant-coureurs d’une bulle

Cet engouement rappelle de nombreux traits de la bulle technologique du tournant du millénaire :

  • Des valorisations extrêmes, parfois supérieures à 50 fois les bénéfices.
  • Des flux massifs de capitaux vers les fonds thématiques liés à l’IA.
  • Une asymétrie marquée entre les attentes et les résultats financiers réels.

L’histoire nous enseigne qu’une innovation majeure peut être parfaitement légitime… tout en provoquant une bulle à court terme, quand les investisseurs paient trop cher pour le futur.

L’hyperconcentration du S&P 500

L’un des aspects les plus préoccupants de la situation actuelle est la concentration inédite du S&P 500 dans un petit groupe de géants technologiques.

En 2025, les sept plus grandes entreprises, souvent appelées les “Magnificent 7” (Nvidia, Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet, Meta et Tesla), représentent plus de 35 % de la capitalisation totale de l’indice américain.

Autrement dit, le S&P 500 est devenu un indice technologique déguisé, largement influencé par l’évolution de ces quelques titres liés à l’IA.Cela signifie que la performance globale du marché américain dépend aujourd’hui de la santé d’un très petit nombre d’entreprises.

Un ralentissement dans le secteur technologique ou une déception sur les bénéfices de l’IA pourrait provoquer une correction importante de l’indice dans son ensemble.

Pour les investisseurs passifs, cela crée un risque de fausse diversification : posséder un fonds indiciel large ne garantit plus une exposition équilibrée à l’économie.

Le financement circulaire : le moteur caché de la surchauffe

Un autre élément amplifie la dynamique actuelle : le financement circulaire entre les géants de la technologie et les start-ups d’IA.

Voici comment le mécanisme fonctionne :

  • Les grandes entreprises (comme Microsoft, Amazon ou Google) investissent massivement dans de jeunes entreprises d’IA (ex. : OpenAI, Anthropic).
  • Ces mêmes start-ups utilisent ensuite une part importante de ces fonds pour acheter des services infonuagiques… auprès de ces mêmes géants.
  • Résultat : les revenus montent artificiellement dans les deux camps, créant un cercle vertueux… ou vicieux, selon la perspective.

Ce phénomène donne l’illusion d’une croissance explosive, mais elle est en partie alimentée par des flux d’argent internes plutôt que par une demande réelle et durable.

Un mécanisme qui n’est pas sans rappeler certaines pratiques observées avant l’éclatement de la bulle Internet, où les entreprises se finançaient mutuellement pour gonfler leurs chiffres.

Une révolution réelle, mais pas sans risques

L’IA change profondément la productivité et les modèles d’affaires, mais toutes les entreprises ne profiteront pas également de cette transformation.

Le défi pour les investisseurs est de distinguer les gagnants structurels des entreprises simplement “à la mode”.

Comment investir intelligemment dans l’IA

  1. Diversifier au-delà des géants technologiques.
  2. Favoriser les entreprises rentables qui utilisent l’IA pour renforcer leur efficacité, plutôt que pour attirer les investisseurs.
  3. Explorer les secteurs connexes : semi-conducteurs, cybersécurité, énergie et infrastructures.
  4. Rester patient. Les révolutions technologiques s’étalent sur plusieurs décennies.

En conclusion

L’intelligence artificielle représente une opportunité historique, mais l’euphorie actuelle comporte des excès. Le S&P 500, aujourd’hui dominé par une poignée de titres, est plus vulnérable qu’il ne l’a été depuis 20 ans.

Les révolutions financières se construisent sur l’innovation, mais aussi sur la discipline. L’investisseur avisé saura profiter du potentiel de l’IA — sans tomber dans le piège de la surévaluation.